Chronique II : La fleur qui s'ouvre plus d'une fois
Chapitre II : La Fleur des neigesIl est un lieu où l'hiver est bien ruelle. Un lieu où la neige jamais ne cesse de tomber. Jour et nuit, la neige tombe, telle une main blanche géante qui vient empoigner le paysage, les maisons et les arbres, ainsi que les petits animaux. Les gros aussi d'ailleurs. Frigost, lieu de repos éternel comme le dit l'idiot du village (qui n'est pas si idiot que ça finalement). Une île en forme de quelque chose d'inconnue et moche qui a la particularité d'avoir les trois quarts de sa superficie rongée par la neige ainsi que par les diverses bestioles qui ont fini par s'habituer aux miches froides. Un lieu d'une beauté exceptionnelle, paraît-il. Oui, je suis pas aller me geler les fesses pour vérifier.
Bref. En cette contrée où seule la végétation la plus évoluée pousse encore, il est rare de voir des Disciple du Dieu de la nature sauvage, Sadida. D'un autre côté, si votre quotidien est de dormir et de faire pousser des fleurs, vous ne pouvez point vous payer ce luxe sur Frigost. En effet, les fleurs ont la fâcheuses tendances d'y pousser uniquement sur votre cadavre gelée en essayant de se nourrir du peu de chaleur qu'il vous reste.
Parmi tout ce paysage plus ou moins beau selon l'angle de vue (l'idéal restant celui du bord de votre fenêtre près de la cheminée) vivait dans une humble petite hutte de fortune, une jeune fille, pâle et timide, au regard ébréché par les longues nuits glaciales d'une île où l'erreur ne pardonne pas. Marginalisée pour sa crinière rouge écarlate, la jeune fille n'avait d'autres choix que de survivre seule dans ce territoire brutal et hostile. Gravant sur les planches de sa demeure les jours défilants, la pauvre jeune fille survivait du mieux qu'elle pouvait, chassant les maigres proies adaptées à son gabarie de chasseuse, se nourrissant parfois de racines de trembles, toujours seule.
"L'âme solitaire, seule, sans famille, tremble dans le froid."
Le doux bouton de fleur se débattait dans le froid mordant des plaines gelées, cherchant toujours autour de sa maisonnée de quoi subsister. On aurait pu croire qu'une telle existence était vouée à une mort tragique, probablement dévorée par le blizzard, la petite fille aurait péri, toujours seule, dans un des vallonnements des plaines. Mais un événement fort inattendu changea à jamais une condition vouée à la mort, vers un nouvelle horizon.
Foulant un beau jour de ses pieds nus la neige jeune encore fraîchement tombée, la jeune fille succomba aux assauts du vent et chut. Inerte et allongée ventre à terre, la petite présentait un tableau bien cruelle dans le paysage. Ce qui ne laissa pas le Grand Dieu de la nature Sadida de marbre. Selon les dires, de la neige se mirent à fleurir des fleurs, toutes plus colorées les unes que les autres. Des racines feuillues se soulevèrent de la terre stérile et portèrent la jeune fille au dessus du sol neigeux puis la recouvrirent d'un épais manteau de fleur, et, doucement parmi les vents, la mélodie des nuées se vit joué. Le jeune bouton de fleur était sauvé.
Le cocon fleuri reste immobile jusqu'au printemps où un beau jour, il laissa apparaître une douce demoiselle à la crinière rouge. Le vent venait de tourner, et la neige quand même présente en toutes saisons, ne faisait plus frémir la jolie jeune fille. Elle se vit découvrir de nouveaux dons : elle entendait le murmure des plantes dans la vallée, l'essoufflement de l'herbe sous laquelle elle ne pensait pas poser le pied. Ce paysage si blanc et hostile, cachait à ses yeux un monde bien plus verdoyant qu'elle n'aurait jamais imaginé. Apprenant chaque jour à écouter les murmures des plantes avec qui elle se sentait si proche, la jeune fille commença doucement à développer des dons. Elle réussissait à faire pousser des fleurs sur le sol stérile et neigeux, et faisait croître des arbres dans les plaines désolés autrefois si familières. Et le jeune bouton de fleur finit par savoir communiquer avec les plantes.
La jeune fleur sans nom, se vit offrir un nouveau repère dans son existence. Et pour la remercier d'être auprès d'elles, les plantes la surnommèrent "Cho-Bit" de l'ancien langue des fleurs : "Effleurement Rouge".